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Circuits courts solidaires : autonomisation des maraîchères via la création de circuits courts de commercialisation de légumes sains à Dakar (Sénégal)

Contexte général

Le projet est localisé dans les Niayes, dans les Communautés Rurales (CR) de Diender, de Keur Moussa et les communes de Kayar et de Pout dans la région de Thiès, à 60 km de Dakar. Ce terroir, qui constitue un ensemble sur le plan socio-économique, environnemental et culturel, compte 90.000 habitants et connaît une forte densité avec 250 habitants/km2 (moyenne du Sénégal de 70 habitants/km2).


Les Niayes sont caractérisées par un système dunaire avec des dépressions et des couloirs inter dunaires où affleure la nappe phréatique. C’est une zone à vocation maraîchère et arboricole. Elle connaît les risques environnementaux et sociaux suivants :

  • Dégradation de l’environnement et de la santé humaine : Au cours du dernier siècle, le terroir Pout-Diender a été caractérisé par des tendances lourdes d’extension de la ville de Dakar au détriment de l’espace rural, de développement de pratiques agricoles intensives pour satisfaire la demande alimentaire croissante et un climat de plus en plus sec. Ces pressions croissantes et continues sur les ressources naturelles ont entraîné la baisse de la nappe phréatique, la salinisation et l’érosion hydrique et éolienne des sols. Les terres agricoles souffrent d’une dégradation de la fertilité due à un manque d’apport en matières organiques, à l’origine de la baisse des rendements. La disparition du couvert végétal et la spécialisation sur certains types de légumes européens ont entraîné une prolifération des ravageurs des cultures. De plus, les études (ISRA, 2007) ont montré des risques d’exposition élevés aux résidus de pesticides des produits en provenance des petits exploitants des Niayes.

 

  • Les subventions agricoles de l’UE, une concurrence déloyale aux produits locaux : Le marché local devrait être un levier pour le développement des pays du Sud. Mais au Sénégal, les produits en provenance de l’Union Européenne (UE) sont fortement subventionnés et freinent le développement des filières locales. Le Sénégal reçoit chaque année des milliers de tonnes de productions agricoles de l'UE princpalement, qui arrivent à des prix largement inférieurs aux prix des productions nationales. En 2011, la production nationale de fruits et légumes de saison froide était de 860.000 tonnes. Si nous prenons l'exemple de l'oignon, les importations ont atteint 130.000 t au prix moyen CAF/CIF (Coût Assurance et Fret) de 79,2 Fcfa/kg, alors que la production nationale avait atteint un record de 200.000 t.

 

  • L’Etat et la promotion de l’agrobusiness : Dès 1986, avec l’avènement des ajustements structurels, on constate un désengagement de l’Etat sénégalais dans le secteur agricole. A partir de 1997, le secteur agricole est libéralisé, mais les résultats sont peu probants. A partir de 2000, les politiques agricoles définies sans l’implication des acteurs de base et sans une vision de durabilité ont contribué à fragiliser encore l’agriculture paysanne. Des orientations claires sont prises par l’Etat en faveur de l’agrobusiness au détriment des petits exploitants. Depuis 2006, le phénomène d’urbanisation dans les Niayes s’est accentué avec la construction d´un aéroport international qui attire les investisseurs en quête de terres. Avec la complicité des autorités locales et sans réellement comprendre les enjeux, les petits producteurs sont amenés à brader leurs terres aux investisseurs. Le désengagement de l’Etat, la concurrence des grandes exploitations et la désorganisation du marché ont plongé les producteurs dans des systèmes d’endettement qui limitent leur potentiel d’évolution vers une agriculture saine, rentable et durable, les poussent à l’exode rural, ce qui risque d’entraîner, d’ici quelques années, la disparition de la zone nourricière des Niayes.

Activités

Réalisations avant projet

Ce contexte a amené Enda Pronat à mettre en œuvre, avec les organisations de base, des programmes pour une Agriculture familiale Saine et Durable (ASD), qui permet d'augmenter la rentabilité des espaces agricoles par des techniques agro-écologiques et d’améliorer la gestion des espaces naturels et de la biodiversité. Les activités de sensibilisation et les expérimentations de terrain ont permis:

  • Une prise de conscience des populations sur des changements impératifs des systèmes de production en relation avec la dégradation de l’état des ressources naturelles ;
  • La structuration d’organisations fédératives de producteurs (OP) avec des leaders qui soutiennent cette nouvelle vision.

Entre 2005 et 2012, ces OP ont pu enregistrer les résultats suivants :

  • L’engagement d’une cinquantaine de producteurs à mener une agriculture basée sur les principes agro-écologiques,
  • Une pertinence économique des techniques agro-écologiques visible dans les comptes des exploitations qui ont changé leur mode d’exploitation ;
  • Un système de livraison hebdomadaire de paniers de fruits et légumes sains sur Dakar (sur le modèle des AMAP françaises – Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne) soutenu par Enda Pronat (200 kg/semaine);
  • Des leaders paysans, hommes et femmes, engagés dans un processus de plaidoyer au niveau local et dans la recherche de fonds d’investissement pour soutenir des innovations techniques comme le système de pompage éolien couplé à la micro irrigation (avec l’appui de la Fondation Nicolas Hulot).


En dehors de ces acquis, les OP de la zone ont créé des organisations faîtières au niveau national qui constituent des espaces pour construire la promotion de l’ASD auprès des décideurs. Il s’agit notamment de la Fédération Nationale des Agriculteurs Bio (FENAB) et du Réseau National des Femmes Rurales (RNFR) qui regroupe plus de 30 000 producteurs, dont 60% de femmes.

Activités du projet

Le projet de circuits courts solidaires à Dakar vise désormais à :

1. Mettre en place un système de garantie de la production jusqu’à la distribution
Les fédérations paysannes doivent renforcer leur dispositif de suivi et de contrôle interne qui permet d’avoir une traçabilité du champ du producteur au marché pour éviter tout mélange avec des produits issus de l’agriculture conventionnelle. Un cahier des charges de l’agriculture Bio est disponible au niveau de la FENAB. La fédération devra mettre en place une équipe de contrôle interne et un système de codification pour suivre chaque produit ou sac de produit.

2. Développer le système d’approvisionnement et de distribution des légumes sains à Dakar
L’objectif ici est d’augmenter les volumes de légumes sains commercialisés dans des circuits différenciés tels que l’AMAP qui écoule actuellement 200 kg par semaine en mettant en place un système efficace d’approvisionnement et de distribution sur Dakar,  pour aller vers une entreprise chargée de la distribution qui dispose d’une équipe professionnelle, capable de prospecter de nouveaux clients, d’assurer la promotion des produits, d’entretenir des relations durables avec les clients et de gérer les commandes et le stockage des produits dans le respect des normes.

3. Mener un plaidoyer en faveur de politiques agricoles durables et équitables.
Pour écouler toutes les productions agricoles de fruits et légumes, des mesures doivent être prises à différents niveaux. L'Etat du Sénégal et les autres pays africains ne mettent pas toute la rigueur nécessaire pour alerter l'opinion internationale et faire cesser toutes les formes de subventions agricoles encourageant les importations par les pays du Sud. Les organisations de producteurs, les ONG et les populations doivent porter ce message devant les instances de décision. Il faut parvenir à faire comprendre à l'opinion publique européenne que l'une des principales cause de la misère dans les pays africains tant médiatisée en Europe (crise alimentaire, exode rural, émigration,...) vient de l'échec des politiques agricoles principalement.
Pour encourager le secteur agricole, l’Etat doit mettre en place :

  • une protection de la production locale contre la concurrence étrangère pour permettre à faire émerger la production locale, ce qui ne peut passer que par une limitation des importations a minima pendant la période des récoltes pour favoriser l’écoulement de la production locale.
  • une revue à la baisse du prix des semences et des intrants.

Bénéficiaires et publics cibles

Le projet vise à la fois :

  • le renforcement de 50 maraichères âgées de 35 à 55 ans appartenant à 2 organisations paysannes :
    • la fédération des agropasteurs de Diender créée en 1997, 24 villages, 3 000 maraîchers membres dont 43% de femmes. > 
    • la fédération Woobin créée en 2006, 21 villages, 1000 membres dont 80% de femmes. Ses membres produisent des légumes et des fruits. Cette zone présente un potentiel de développement de la production fruitière.
  • la sensibilisation des consommateurs de Dakar, du gouvernement sénégalais et de l’opinion publique française.

 

CONTACT

ENDA EUROPE

Albin Lazare

albin.lazare(at)enda-europe.org